Il appelle ça une « évolution », nous considérons que c’est une révolution. Yves Tucoulou est chef de service du centre international de médecine de rééducation du sport et d’urgence (Gansu, Chine), au cours de sa carrière, il a notamment suivi plusieurs sportifs médaillés olympiques.
Pendant les 10 dernières années, il a mis au point un protocole novateur afin de reprendre le sport en moins d’un mois, suite à une opération des ligaments croisés. Mieux, en respectant son protocole assidûment, « le retour à la compétition peut se faire bien avant les 6-8 mois » observés actuellement. Quand ce n’est pas 10 à 12 mois pour un sportif plus occasionnel… Première partie de l’entretien exclusif pour TeamFootball.fr et T.V. Sport. La seconde partie sera diffusée la semaine prochaine.
Thibaud Vézirian : Dans cette première partie de notre entretien, vous souhaitez nous expliquer quelles sont les 5 premières erreurs à gommer absolument afin de refaire du sport moins d’un mois après l’opération. Nous verrons la semaine prochaine ensemble quelles sont les 5 suivantes. Alors, comment faire pour se rétablir au plus vite ?
Yves Tucoulou : Certaines personnes -chef d’entreprise, sportifs de haut niveau, compétiteurs, etc.- ont l’impérieuse nécessité de revenir le plus rapidement possible à une vie normale, puis au sport. C’est pourquoi j’ai travaillé depuis des années à la mise en place de ce protocole. Pour certains, c’est une révolution, je considère ça plutôt comme une évolution.
Le premier point important, c’est donc de travailler sur la réduction du temps pour reprendre le sport. Actuellement, les méthodes de rééducation vous permettent de reprendre le sport après 4 à 6 mois, puis la compétition entre 6 et 8 mois. Au mieux. Ça varie selon les chirurgiens et rééducateurs. Ça fonctionne pour les gens qui ont le temps, pas pour les autres…
T.V. : Alors, comment on fait quand on n’a pas le temps ?
Y.T. : Attendre un an pour revenir au top, c’est trop ! Mon type de rééducation est désormais validé en Chine, accepté et totalement éprouvé. Annoncer à quelqu’un qu’il va reprendre ses activités physiques un mois après l’opération, c’est devenu normal là-bas. On ne se pose même plus la question. En Europe, ce n’est pas encore le cas.
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T.V. : Vous avez pratiqué votre protocole sur combien de patients ?
Y.T. : Environ 200 personnes depuis 10 ans. Pour moi, c’est bon, c’est certifié par la pratique. Et cette méthode n’a connu pour l’instant aucune rechute. D’ailleurs, 2e point primordial : Il faut rassurer le patient concernant la douleur. Avant, on pouvait penser que se faire opérer des ligaments croisés, c’était le parcours du combattant.
C’est fini. Ce n’est pas l’horreur. J’ai suivi un patient dans le sud de la France dernièrement, il n’a pas eu de douleur, aucun médicament, tout va bien. J’étais moi-même surpris. Mais après analyse, ça venait bien de la préparation proposée. Plus on prépare la personne, plus ça se passe bien.
T.V. : Quel est le 3e piège dans lequel il ne faut pas tomber ?
Y.T. : On parle souvent de « la faiblesse du 4e mois ». Une soi-disant faiblesse du genou liée à l’opération. J’ai cherché pendant des années auprès de tous les chirurgiens que j’ai pu rencontrer. En Chine, en Angleterre, en France et ailleurs. On ne retrouve ni qui a dit que le genou était faible à cette période, ni quel article, ni quoi que ce soit ! C’est une rumeur que certains répètent en chœur, alors que c’est faux. Sur l’être humain, à l’heure actuelle, aucune étude ne dit qu’il y a une faiblesse au 4e mois. Il faut s’enlever ça de la tête. Et arrêter d’avoir peur.
T.V. : On parlait de l’inconnue que représente l’opération pour un patient victime d’une rupture des ligaments croisés. Mais le protocole démarre en réalité bien avant l’opération…
Y.T. : C’est capital. Et c’est ce que j’appelle le « retard à l’allumage ». Généralement, le patient prépare son opération en voyant le chirurgien et l’anesthésiste. Mais concernant le rendez-vous avec le rééducateur, kiné ou autre, ça prend souvent plus de temps. Et le patient reste dans l’inconnu de ce qu’il devra faire tout de suite après l’opération.
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Un patient doit savoir ce qu’il doit faire, comment s’y prendre, avec un planning établi. Un planning qui est ensuite mis à jour selon l’évolution de la personne. En Chine, on arrivait dans certains cas à commencer la rééducation 2 ou 3 heures après l’opération. En France, on peut parfois se retrouver avec des patients qui ne savent même pas qu’ils ont pris des anticoagulants, comment mettre l’attelle, comment utiliser les béquilles, etc.
Si c’est préparé, le patient peut anticiper tout ça, se montrer prêt, ne pas être perturbé. Un truc tout simple ? Réveiller le vaste interne (NDLR : muscle de la cuisse) est capital. Ça ne doit pas se faire 15 jours ou 3 semaines après. Si on prend du retard à l’allumage, tout le temps de rééducation s’allonge. Plus on part lentement, plus on sera prêt tardivement. Il y a d’ailleurs une chose à savoir : il y a 2 phases d’inflammation post-opératoire. Une première environ 7 jours après l’opération. Très active. Et une deuxième de deuxième choix… Bien sûr qu’on va cicatriser à l’arrivée. Mais ce sera plus lent, moins efficace.
T.V. : D’ailleurs, en parlant de cicatrisation, dans la suite de l’entretien, la semaine prochaine, vous nous expliquerez pourquoi il ne faut pas glacer son genou tout de suite après l’opération. C’est contre-productif et c’est une erreur classique. Autre point sur lequel il faut être vigilant ?
Y.T. : Le « genourob » est un appareil qui teste le genou. Il s’agit de savoir où en est le ligament croisé. Après l’IRM, après les tests humains ou les suspicions, je préconise d’utiliser cet appareil. Je rappelle que je n’ai aucun conflit d’intérêt, c’est à la mode… Que ce soit pour le patient ou les soignants, faire un test genourob avant la chirurgie permet de confirmer les tests et sécuriser tout le monde.
Même en post-opératoire, il faudrait tester à nouveau le genou. Et je pense que c’est ce qui arrivera à l’avenir. Si jamais il y a une rupture après l’opération, est-ce une rupture occasionnée par une mauvaise chirurgie ? Je n’y crois pas. Ou plutôt une rupture liée à une reprise trop intensive d’un sportif un peu trop pressé ? Cela nous est déjà arrivé avec un sportif venu nous voir plus d’un mois après l’opération.
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Si nous n’avions pas fait le test, il aurait pu accuser notre rééducation de lui avoir causé cette rechute. Les assurances pourraient donc se prémunir de tout ça en demandant dans le futur ce type de test genourob obligatoire. Je sais que nous n’avons pas l’habitude d’être contrôlés, mais ça parait utile d’effectuer ces vérifications.
T.V. : Revenons-en au protocole concret… Quand vous êtes contacté par un patient, avant l’opération, quel est le processus ?
Y.T. : Si la personne nous a contacté en amont, on lui explique déjà qu’un mois avant la chirurgie, il faut renforcer le vaste interne, et non pas le quadriceps. Avec certaines angulations à travailler. On lui demande de bien s’oxygéner. Plus on a d’oxygène dans le corps, moins les toxines vont nous embêter en post-opératoire.
Pour cela, vous avez de multiples méthodes : Des exercices de respiration comme la cohérence cardiaque, aller à la mer, en forêt, faire du vélo, s’entretenir… À adapter car chacun est plus ou moins anxieux. Après l’opération, il s’agit de réveiller le vaste interne pour commencer à bouger. Avec un rappel capital : L’extension est la seule chose importante.
La flexion viendra après pendant la rééducation. Si vous travaillez trop tôt la flexion, vous risquez d’avoir des difficultés dans l’extension. Si on garde une extension, on aura toujours une boiterie… Et on a 2 ans pour récupérer cette extension, sinon on risque un flessum pratiquement à vie.
T.V. : Quels sont les autres conseils que vous donnez pour la période pré-opératoire ?
Y.T. : On donne des conseils de nutrition, notamment. Pour l’opération, que l’on préfère en anesthésie générale, on essaye ensuite d’évacuer au plus vite l’anesthésiant. Donc, en amont, on protège son foie. On prend de l’huile et tout un tas de systèmes. On évite de surcharger son foie avant une opération : la petite bière est à bannir, tout comme les produits type café, chocolat, sodas, produits laitiers de la vache, alcool…
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On évite d’encrasser le foie. Le jus d’orange du matin est aussi très nocif pour le foie. Ce sont des choses apprises au fil des années, surtout en Chine. L’orange, même le fruit, est acide à l’extérieur mais aussi dans l’estomac. Attention avec ça avant une opération. Au final, quand les gens se sentent mieux, ils se réveillent mieux en salle de réveil et ça va nettement mieux. Le corps peut se concentrer sur la cicatrisation.
T.V. : Merci, Yves, pour toutes ces précieuses informations. On parlera des 5 autres erreurs à ne pas commettre pour bien cicatriser après l’opération des ligaments croisés dans la seconde partie de l’entretien, dès la semaine prochaine.