Les tristes coulisses du monde du football. Derrière les strass et paillettes, beaucoup de déconvenues pour les moins célèbres. C’est à dire 99% des joueurs. TeamFootball a mené l’enquête autour du transfert avorté de l’international malien Saiba Dabo.
“On critique beaucoup les agents, les joueurs… Les clubs, ce n’est pas mieux.” Grégoire Akcelrod n’a pas la mine des grands jours. “Ils jouent avec la carrière des joueurs, ils s’en moquent“, nous raconte-t-il en exclusivité.
Cette histoire, c’est celle de Saïba Dabo, international U20 malien, passé professionnel à Reims en 2021-2022. Mais ça pourrait être l’histoire de tant d’autres footballeurs, à cheval entre le monde professionnel et le monde amateur. À deux doigts de percer. Haut et fort.
L’agent Grégoire Akcelrod nous raconte cette fin d’été compliquée. Depuis plusieurs mois, il s’occupe des intérêts de Saiba Dabo, un attaquant talentueux, passé par la prestigieuse Académie Jean-Marc Guillou au Mali.
“C’est un gros talent, mais à qui personne n’a appris à les à-côtés du football. Il mangeait mal, se couchait tard, ne pensait pas à récupérer entre les matchs, car il ne savait pas, tout simplement“, dévoile avec honnêteté Grégoire Akcelrod, “il était à Reims, en réserve, avec un contrat professionnel. Parti en mai 2022, il n’a pas de nouvelles de son agent, qui ne lui répond plus au téléphone. Il a donc fait une saison blanche. C’est là que je l’ai rencontré.“
Tout le travail commence. Il faut remettre cet attaquant en selle. Le focaliser sur ses objectifs. L’encadrer. Grégoire Akcelrold se démène, lui confectionne des vidéos de ses meilleurs moments, contacte beaucoup de clubs. “J’ai beaucoup travaillé pour le mettre en avant, le présenter partout. Rester un an sans jouer fait tiquer les clubs, c’est normal… Certains préfèrent miser sur un joueur moyen qui vient de faire une saison complète plutôt qu’un super talent qui sort d’une saison sans jouer.”
En cette fin août, le duo reçoit plusieurs propositions intéressantes. D’abord en première division ukrainienne, à Odessa, au FC Chernomorets. Mais ce n’était “pas simple avec les visas à obtenir“. Alors direction l’Espagne. “Là-bas, le jeu est technique, ça pouvait totalement lui convenir, j’étais sûr qu’il allait cartonner et se relancer.” Ils choisissent l’Espagne alors que la proposition salariale en Ukraine est sept fois plus importante. Choix de vie, choix de jeu.
Les problèmes ne vont pas tarder à commencer. “Le club n’a pas voulu payer le billet d’avion depuis le Mali, là où il s’entraînait. C’est assez normal, car il arrive que certains joueurs se gardent l’argent et ne viennent jamais.” Grégoire Akcelrod en a été pour ses frais, 1000 euros. À ce prix-là, ce n’est qu’un vol avec escales, 23 heures pour rejoindre Madrid.
Saiba Dabo arrive fatigué mais heureux en terres espagnoles. Très vite, ils sont ravis de l’accueil qui leur est fait. Toute la direction sportive de la Real Sociedad Gimnástica de Torrelavega (3e division) est là. Un community manager s’occupe des photos, lui remet un maillot. Tout est carré. Dans la foulée, ils signent le contrat. Sans accroc.
Contrat signé…
Juste après la signature du contrat, les dirigeants l’invitent à aller se changer, lui prêtent des chaussures et souhaitent le voir s’entraîner. Ont-ils été pris de doutes concernant son niveau ? Lui qui a été recruté sur “cassette“. Grégoire Akcelrod leur suggère de voir ça demain, après une nuit de repos.
Saiba Dabo file à l’entraînement, “une grosse séance de milieu de semaine avec ses nouveaux coéquipiers, qui ont fait une préparation physique entière“, précise Grégoire Akcelrod, “au départ, tout va bien, il est même au-dessus, mais au bout d’une heure, c’est vrai qu’il est cuit physiquement. Le voyage, le fait de ne pas parler la langue, de ne pas avoir fait de pré-saison, etc. Rien d’anormal.”
En sortant de la douche, l’accueil n’est plus le même. Le président de la Real Sociedad Gimnástica de Torrelavega convoque Grégoire Akcelrod. Le club doute des capacités de Saiba Dabo à être prêt physiquement “avant deux mois” ! Ils veulent résilier le contrat sur le champ. Stupeur dans le camp Akcelrod-Dabo. “On ne peut pas juger un joueur qui sort d’un gros voyage“, peste l’agent, qui sent venir “l’heure des coups de pression.“
“De vrais voleurs”
“Si on refusait la résiliation, ils nous disent qu’ils allaient réaliser une visite médicale négative“. Le ciel leur tombe sur la tête. Grosse désillusion. Du temps de perdu, de l’argent perdu. La résiliation s’opère au 31 août. Impossible ou presque de rebondir ailleurs.
“Ce n’est pas correct d’avoir fait ça, je suis déçu. La manière dont ça s’est fait, c’est un scandale comment ils gèrent les hommes, les joueurs. On parle d’un ex-pro à Reims. Alors j’imagine pour d’autres… Est-ce qu’on aurait dû accepter la résiliation ? Non, ça a été une erreur. Ils nous ont fait peur avec la menace de la visite médicale…“
Croyez le ou non, l’expérience reste positive pour Saiba Dabo. Il a pris une claque, déjà en quittant Reims, en devant retourner au Mali. Là, il s’est pris un coup de massue en Espagne. Soit il prend conscience qu’il doit en faire plus, soit c’est fini.
Il s’est donc remis au boulot : trois entraînements par jour, mieux dormir, mieux manger. “Il repartira de plus bas, peut-être en N2, car je sais qu’il peut devenir un grand joueur”, affirme son agent. “En Espagne, c’était en fait un essai déguisé, mais pourquoi ont-ils voulu signer tout de suite le contrat alors ?“
Pas clean. “Même à la fin, ils ont dit qu’ils allaient rembourser l’avion et l’hôtel. Ils ne l’ont pas fait. C’est dégueulasse et décevant. De vrais voleurs.“
Une histoire parmi tant d’autres dans les méandres du football. Et ce coup-ci, il n’y a pas eu agression, séquestration ou autre. C’est déjà pas mal…
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